AGRICULTURE
Le droit de planter et cultiver librement bientôt interdit ?
Le droit de planter et cultiver librement bientôt interdit ? Les industries et multinationales semencières veulent rendre les paysans captifs… grâce à la loi. Les députés doivent examiner le 28 novembre un texte instaurant une « contribution volontaire obligatoire » : une véritable dîme sur les semences. Ressemer librement sa propre récolte ou échanger des variétés de plantes deviendra illégal. Soucieux de préserver l’autonomie alimentaire, des paysans et des citoyens entrent en résistance.
Par Sophie Chapelle, pour Bastamag.
Demain, graines et semences ne seront peut-être plus libres. Des agriculteurs s’inquiètent d’une proposition de loi votée par les sénateurs le 8 juillet dernier, et déjà appliquée par décret aux productions de blé tendre. S’ils veulent conserver une partie de leur récolte pour la ressemer l’année suivante (quoi de plus naturel ?), les producteurs de blé tendre doivent payer une redevance appelé « Contribution volontaire obligatoire » (sic). « L’enjeu de cette nouvelle proposition de loi est d’étendre ce mécanisme à tous les paysans, alerte Guy Kastler, du Réseau semences paysannes. Chaque fois qu’on cultivera un hectare, ils prendront un peu d’argent de nos poches pour payer les détenteurs de propriété intellectuelle. » La loi prévoit de considérer la reproduction de semences à la ferme, sans payer cette dîme moderne à leurs « propriétaires », comme une contrefaçon. La récolte pourra alors être saisie.
Qui sont ces propriétaires de semences à qui la « contribution volontaire » sera reversée ? Depuis 1949, toute variété de semence mise sur le marché doit obligatoirement être inscrite sur le catalogue géré par l’Office communautaire des variétés végétales (OCVV), dont le siège est à Angers. Cet office accorde un droit de propriété intellectuelle, d’une durée de 25 à 30 ans, à « l’obtenteur », celui qui a sélectionné cette variété. Les principaux détenteurs de ces « certificats d’obtention végétale » ne sont autres que les grandes multinationales semencières : Bayer, Limagrain, Monsanto, Pioneer, Vilmorin ou Syngenta. Tous réunis au sein de l’Union française des semenciers, qui aurait fortement appuyé le projet de loi.
Rendre les paysans captifs
« Le fait que l’obtenteur soit rétribué pour son travail de recherche ne nous pose pas de problème, explique Jean-Pierre Lebrun, un maraîcher biologique à la retraite. En revanche, nous sommes opposés à ce que ces obtenteurs récupèrent des taxes sur le travail de sélection que nous menons dans nos fermes. » Avec d’autres paysans et des consommateurs soucieux de préserver l’autonomie alimentaire, Jean-Pierre a fait le déplacement à Angers ce 19 novembre pour « débaptiser » l’OCVV, renommé « Office communautaire de la confiscation des semences ». Un geste symbolique qui en dit long sur les menaces pesant sur l’avenir de notre alimentation.
Yves Manguy, agriculteur à la retraite, connaît bien les semences de ferme, ces graines récoltées à partir de variétés sélectionnées par l’industrie semencière, mais multipliées par l’agriculteur lui-même par souci d’économie et d’indépendance. Pour cet ancien porte-parole de la Coordination nationale pour la défense des semences fermières (CNDSF), l’objectif des firmes semencières est clair : « Elles veulent instaurer un marché captif, que les agriculteurs achètent leurs semences et qu’ils n’en fassent plus chez eux. La loi en préparation consiste non pas à interdire complètement mais à restreindre un maximum le droit des semences à la ferme. » Le texte propose ainsi d’autoriser la semence de ferme pour seulement 21 espèces – en échange du paiement de la Contribution volontaire obligatoire – et d’interdire cette pratique pour toutes les autres espèces.
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La Polynésie est-elle concernée par ce problème ?
Je pense que nous ne pouvons pas faire l’impasse sur ce sujet, si nous voulons
« MIEUX PRODUIRE POUR NOURRIR LE PEUPLE ET EXPORTER ».
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L’AVENIR ÉCONOMIQUE DE LA POLYNÉSIE (6)