AVENTURE EN KANAKY
J'ai travaillé au CEP, service du matériel à Arue, à partir d'octobre 1966. Si le travail était intéressant, j'avais pris conscience que les activités du CEP étaient contraire à mes convictions. Je démissionnais donc en juillet 1969 pour prendre la gérance du snack-bar du marché de Pirae qui venait d'être inauguré.
Ce nouveau travail a été de suite un échec du fait, en partie de ma méconnaissance de ce métier et, surtout, de mon associé qui m'a lâché au bout de deux mois.
Je retournais donc travailler au CEP à la même place à la demande insistante de mon ancien chef de service. Mais cela n'a pas duré, au bout de quelques mois, j'ai craqué et j'ai claqué la porte du CEP, sans préavis et sans toucher ma paye. Je suis allé chez UTA et j'ai pris, pour moi même et ma compagne qui m'approuvait, deux billets aller simple pour Nouméa par le prochain vol.
Même pas le temps de liquider quelques affaires et me voilà en Nouvelle-Calédonie.
C'était le "boum" sur le nickel, les hôtels étaient pleins, les terrains de camping aussi et les gens qui venaient travailler d'un peu tous les pays, logeaient n'importe où. L'ami qui m'accueillait, m'a permis de planter une toile tente dans son jardin à côté de la petite maison en tôle qu'il louait au Mont-Dore. Mon fils est né le 6 juin 1970 à Nouméa et a vécu les premiers mois de sa vie sous une toile tente. Ensuite j'ai trouvé un logement "plus décent" dans une ancienne ferme à La Coulée (15 m² et une minuscule cuisine, bien sur pas d'électricité).
J'y ai vécu jusqu'en juillet 1971 et voici ce que je pense de ce pays :
J'habitais donc à La Coulée dans une ancienne ferme près de la tribu de Saint Louis. Le pays est superbe et tous les dimanches j'allais à la pêche aux black-bass (micropterus salmoides) au lac du barrage de Yaté. Je comprends que beaucoup de gens s'y soient plus, mais j'ai de suite pensé que s'il y avait des comportements pareils à Tahiti, ça serait la révolution.
Ce que j'ai vu, m'a scandalisé et je n'ai eu qu'une hâte, c'est de revenir à Tahiti. En Nouvelle-Calédonie, régnait l'apartheid ; même s'il n'était pas dans les textes, cette pratique était courante. J'ai fait des chantiers, en particulier sur la côté ouest (Bourail, Bouloupari, celle des exploitations agricoles), j'ai vu des scènes qui me rappelaient les vieux westerns (du genre "un bon indien est un indien mort"). Je ne m'étendrai pas là-dessus...
Ma compagne allait se promener souvent avec notre voisin, le peintre Frank Fay. Une fois ils se sont fait tirer dessus par des colons caldoches en pleine brousse. D'ailleurs les coups de fusil étaient fréquents.
Les tahitiens, comme les canaques, les wallisiens ou les néo-hébridais, étaient appelés "le bétail" par les caldoches.
Petite fête lors de la visite à Poro d'un groupe de danse de Tahiti.
Par contre, ils ont toujours été bien accueillis dans les tribus.
Sur la côte est (Houailou, Poindimié, Hienghène), c'était plus agréable, au milieu des tribus canaques, mais il n'y avait que des pistes et des bacs pour traverser les rivières. Je dois aussi souligner la solidarité, l'amitié et l'entre-aide entre les polynésiens résidant en Nouvelle-Calédonie : quand mon fils est né, j'étais sur un chantier à Thio pendant plusieurs jours ; nos amis tahitiens se sont occupés de tout.
Alors quand j'entends certains prendre la Nouvelle-Calédonie comme exemple...
Je pense quand même que depuis cette époque et surtout depuis les malheureux évènements de 1984 à 1988, les mentalités ont bien changé, la paix est revenue et la fraternité règne maintenant sur le "caillou".
Bien sur, il ne faut pas généraliser, ce n'est qu'une impression que j'ai eu en si peu de temps. J'ai connu des caldoches très sympathiques, il devait y avoir aussi des tahitiens teigneux et des canaques voyous...
J'ai encore des amis kanaks et ni-vanuatu et le drapeau de Kanaky est au mur au-dessus de mon bureau depuis 1984, époque de l'insurrection.
Et surtout mon fiston né à Nouméa...
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Le 24/06/2014,
les images publiées dans les commentaires n'étant plus visibles avec le nouveau support Overblog, voici les deux tableaux de Frank Fay dont nous parlons dans nos commentaires.