C’est toujours la première fois…
(code recherche : POEARA)
Pour la première fois ta
bouche
Pour la première fois ta voix
D'une aile à la cime des bois
L'arbre frémit jusqu'à la souche
C'est toujours la première fois
Quand ta robe en passant me touche.
Ma vie en vérité commence
Le jour où je t'ai rencontrée
Toi dont les bras ont su barrer
Sa route atroce à ma démence
Et qui m'as montré la contrée
Que la bonté seule ensemence.
(Extrait de « Elsa » Louis Aragon)
J’ai reçu un texte très sympathique de mon ami Christian SAVEL. Avec son accord, je le porte à votre connaissance…
Bonjour Taram,
Une réaction tardive sur la série consacrée à Diane de Poitiers.
Diane de Poitiers a été la gouvernante des enfants de François 1er et très certainement sa maîtresse.
Ils ont séjourné dans ce lieu, où j'ai passé une partie de mon enfance. Il y régnait une ambiance très particulière et ambiguë, qui laisse facilement imaginer Diane retrouvant furtivement François 1er, mais aussi les premiers émois ressentis par le jeune Henri II pour sa gouvernante.
Le texte qui suit date d'une trentaine d'années. Je n'ai pas pu m'empêcher de faire le rapprochement entre ma modeste expérience et ces idylles royales.
Les évocations fantasmatiques d'un
escalier
Un escalier à vis a plus particulièrement excité ma curiosité et peuplé mon imagination. Je voyais des demoiselles gracieuses vêtues de robes longues et coiffées de hautes perruques, s'y faufilant avec agilité. J’imaginais des rendez-vous galants, des rencontres furtives.
Ses marches en pierre de taille avaient été usées et polies par les très nombreux passages. Il était étroit, raide, mal éclairé, on distinguait au mieux le premier tronçon, la suite du parcours se fondait dans une ombre énigmatique. Il semblait engloutir et déglutir ceux qui l'empruntaient.
A défaut de charmantes demoiselles d'une autre Époque, il était fréquenté par les occupants de l'Étage supérieur : La grosse madame « B» et son frêle époux, la triste Madame « S» et son sournois de fils, Madame « le P» et ses allures de vielle aristocrate. Seule la belle Thérèse apportait une touche plaisante, mais je détestais son prétentieux mari.
Cet escalier a joué un rôle déterminant dans mon parcours initiatique de petit homme.
La trahison de Thérèse
Ardéchoise et amie de ma mère, elle était à mes yeux l'incarnation
parfaite des filles des magasines de mode qui jonchaient l'appartement.
Elle marchait avec vivacité et portait des jupes amples, auxquelles, son ardeur ascensionnelle imprimait des élans pendulaires, qui laissaient entrevoir des parcelles de son anatomie cachée.
C'était une aubaine et j'allais la saisir : sous prétexte de commenter mes journées de potache, j'allais à la rencontre de Thérèse, l'accompagnais jusqu'aux premières marches de l'escalier et suivais d'un regard avide, les envolées de l'ourlet de sa jupe.
Ces rencontres ne purent satisfaire entièrement ma curiosité. Il aurait fallu de sa part un oubli, une étourderie ou ....pourquoi pas, un geste complaisant pour que je puisse enfin découvrir l'ultime secret de son intimité.
Sa désinvolture m'enhardissait. Un jour, me trouvant chez elle, à la faveur d'une attitude que je jugeais équivoque, je franchis une nouvelle étape en me glissant résolument sous ses jupes. C'était osé, j'en ressentis une forte émotion.
Thérèse s'esquiva sans empressement et dit sur un ton rieur : « mais, qu'est ce que tu fais là ?» C'était presque un jeu, une preuve de complicité, un encouragement. Tout était donc possible, mon esprit s'enflammait. Je n'osais imaginer jusqu'où mon audace et sa bonne volonté conjuguée, pouvaient nous conduire.
La duplicité de mon état tenait à ce que d'une part je voulais froidement voir et savoir à l'égal des plus éclairés des copains de mon âge, et d'autre part je sentais un trouble
indéfinissable m'envahir, que je qualifierais aujourd'hui de sentiment amoureux. La belle Thérèse était ma complice, elle allait être mon initiatrice bienveillante et je vivais un moment
exaltant.
La chute fut brutale. Thérèse rapporta ces exploits à ma mère, qui mit une fin cuisante à mes captivantes investigations.
Du coup Thérèse m'est apparue beaucoup moins belle, outrageusement maquillée et d'une allure plus vulgaire qu'élégante.
A défaut d'initiation, j'ai compris que la gent féminine n'est pas très complaisante avec les petits garçons de dix ans et que cela ne s'arrange pas avec l'âge. Qu'il faut être audacieux ou très chanceux et que de toute manière rien n'est certain et rien n'est acquis.
Aujourd'hui encore, je me méfie des «Thérèse », quoiqu'on en dise.
Amitiés,
Christian SAVEL