DIANE DE POITIERS, la séduction
(Extrait de « Histoire de France et des français », André Castelot, Alain Decaux, …, Editions Larousse, 13 volumes)
Catherine, éblouie de se trouver mariée au fils du plus grand roi de la chrétienté (François Ier) - elle petite-fille de marchands! - s'effacera et sera toute soumission, mais Henri regardait son épouse sans appétit. Pour lui, seule comptait toujours sa « dame », la belle chasseresse, « la belle parmi les belles ». Dans les tournois, le duc d'Orléans faisait incliner devant elle sa bannière, indiquant ainsi qu'il combattait pour son amour — toujours platonique bien sûr. Platonique jusqu'au jour où, nous l'avons vu, le dauphin François, après avoir joué à la paume, but un verre d'eau glacée et mourut frappé de congestion. Henri devenait l'héritier du trône. C'est alors que Diane, en dépit de ses trente-sept ans - ce n'était pas alors, comme aujourd'hui, la jeunesse - pensa qu'elle pouvait s'attacher le nouveau dauphin autrement qu'en le faisant soupirer chastement à ses genoux. Il était temps de quitter l'époque médiévale pour la Renaissance...
Nous savons - Clio est si indiscrète! - comment s'opéra la chute de la veuve exemplaire. Elle eut lieu au château d'Écouen, chez le connétable de Montmorency. Le climat avait été créé par les fameux vitraux érotiques du château, des vitraux « choquants d'impudeur à faire rougir Rabelais », qui racontaient, détails à l'appui, les amours de Psyché et firent comprendre au jeune Henri que sa déesse pouvait devenir humaine et s'animer entre ses bras, comme Psyché dans les bras de l'Amour.
Un beau matin... mais laissons Diane nous conter la scène :
Voici vraiment qu'Amour un beau matin
S'en vint m'offrir fleurette très gentille...
Car voyez-vous, fleurette si gentille
Était garçon frais, dispos et jeunet.
Ainsi tremblotante et détournant les yeux,
« Nenni, disais-je. — Ah! ne soyez déçue! »
Reprit l'Amour et soudain à ma vue
Va présentant un laurier merveilleux.
« Mieux vaut, lui dis-je, être sage que reine. »
Ainsi me sentis et frémir et trembler,
Diane faillit et comprenez, sans peine
Duquel matin je prétends reparler...
Et c'est ainsi que commença la plus célèbre et la plus étonnante liaison royale de l'histoire de France.
Diane - elle n'avait sans doute connu que les amours de son barbon qui aurait pu être son grand-père - découvrit la joie
de se donner à un homme vigoureux qui aurait pu être son fils... Quant à Henri, il fut ébloui. Il tenait entre ses bras cette déesse qu'il croyait inaccessible! Il le dira en vers lui aussi :
Hélas, mon Dieu, combien je regrette
Le temps que j'ai perdu en ma jeunesse;
Combien de fois je me suis souhaité
Avoir Diane pour ma seule maîtresse!
Mais je craignais qu'elle qui est déesse
Ne se voulût abaisser jusque-là
De faire cas de moi...
Désormais – et jusqu’à son dernier souffle – Henri demeurera fidèle à sa dame qui ne demandait pas mieux que de « faire cas de lui ».