L'ABOLITION DES PRIVILÈGES
Discussion entre Fabrice Luchini et Jean-Luc Mélenchon :
"Il me demanda conseil pour lire sur la Grande Révolution parce que je crois que je la lui ai présentée sous un jour nouveau. J’hésitais. Lui proposer Jaurès, Soboul ou plus directement Hazan me sembla trop anguleux pour lui. Je suggérais Michelet quoique je ne sois pas du même angle que celui-ci, et de très loin. Mais je me suis dit qu’un acteur et un littéraire entrerait plus facilement dans la beauté de ce moment de l’histoire par une évocation fortement teintée de lyrisme comme celle-là. Le tout est de lui mettre l’eau à la bouche, en quelque sorte." (Jean-Luc Mélenchon - Questions de style)
Questions de style#article1#article1
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Nuit du 4 août 1789
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La Nuit du 4 août
1789 est un événement fondamental de la Révolution française, puisque, au cours de la séance qui se tenait alors,
l'Assemblée constituante met fin au système féodal.
C'est l'abolition des privilèges.
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L'effervescence des événements
Le 3 août 1789, le duc d'Aiguillon lance au Club breton l'idée d'une abolition des droits seigneuriaux.
Le lendemain, en fin de soirée, le vicomte de Noailles propose à l'Assemblée nationale de supprimer les privilèges pour ramener le calme dans les provinces.
Le duc d'Aiguillon propose l'égalité de tous devant l'impôt et le rachat des droits féodaux.
Tour à tour, dans une ambiance indescriptible, Le Guen de Kérangal, le vicomte de Beauharnais, Lubersac, l'évêque de La Fare vont surenchérir en supprimant les banalités, les pensions sans titre, les juridictions seigneuriales, le droit de chasse, les privilèges ecclésiastiques.
Le marquis de Foucault fait une « motion vigoureuse contre l'abus des pensions militaires » et demande que « le premier des sacrifices soit celui que feront les grands, et cette portion de la noblesse, très opulente par elle-même, qui vit sous les yeux du prince, et sur laquelle il verse sans mesure et accumule des dons, des largesses, des traitements excessifs, fournis et pris sur la pure substance des campagnes ».
Le vicomte de Beauharnais propose « l'égalité des peines sur toutes les classes des citoyens, et leur admissibilité dans tous les emplois ecclésiastiques, civils et militaires ».
Cottin demande l'extinction des justices seigneuriales ainsi que celle de « tous les débris du régime féodal qui écrase l'agriculture ».
L'évêque de Nancy Anne Louis Henri de La Fare, s'emparant de la parole, après l'avoir disputée à l'un de ses confrères, demande, « au nom du clergé », que les fonds ecclésiastiques soient déclarés rachetables et « que [leur] rachat ne tourne pas au profit du seigneur ecclésiastique, mais qu'il en soit fait des placements utiles pour l'indigence ».
L’évêque de Chartres, présentant le droit exclusif de la chasse comme « un fléau pour les campagnes ruinées depuis plus d'un an par les éléments », en demande l'abolition, et en fait l'abandon pour lui, « heureux, dit-il, de pouvoir donner aux autres propriétaires du royaume cette leçon d'humanité et de justice ».
De Richer, revenant sur l'extinction des justices seigneuriales, demande la gratuité de la justice dans tout le royaume, « sauf les précautions tendant à étendre l'esprit de chicane et la longueur indéfinie des procès ».
Le duc du Châtelet propose alors qu'une taxe en argent soit substituée à la dîme, « sauf à en permettre le rachat, comme pour les droits seigneuriaux ».
« Tout semblait fini. Une scène non moins grande commençait. Après les privilèges des classes, vinrent ceux des provinces. Celles qu’on appelait Pays d’État, qui avaient des privilèges à elles, des avantages divers pour les libertés, pour l’impôt, rougirent de leur égoïsme, elles voulurent être France, quoi qu’il pût en coûter à leur intérêt personnel, à leurs vieux et bons souvenirs. Le Dauphiné, dès 1788 (cf Vizille après la journée des Tuiles), l’avait offert magnanimement pour lui-même et conseillé aux autres provinces. Il renouvela cette offre. Les plus obstinés, les Bretons, quoique liés par leurs mandats, liés par les anciens traités de leur province avec la France, n’en manifestèrent pas moins le désir de se réunir. La Provence en dit autant, puis la Bourgogne et la Bresse, la Normandie, le Poitou, l’Auvergne, l’Artois. La Lorraine, en termes touchants, dit qu’elle ne regretterait pas la domination de ses souverains adorés qui furent pères du peuple, si elle avait le bonheur de se réunir à ses frères, d’entrer avec eux dans cette maison maternelle de la France, dans cette immense et glorieuse famille ! Puis ce fut le tour des villes. »
— Jules Michelet, Histoire de Révolution française, Flammarion, 1897-1898
Enfin, Lally-Tollendal termine la séance en apothéose en proclamant Louis XVI « restaurateur de la liberté française ». En une nuit, les fondements du système par ordres s'effondrent. Les jours suivants, le clergé tente de revenir sur la suppression de la dîme, mais le président de l'Assemblée, Isaac Le Chapelier, n'ayant accepté que des discussions sur la forme, les décrets du 4 août sont définitivement rédigés le 11.
Dès le lendemain, Louis XVI écrit à l’archevêque d’Arles :
« Je ne consentirai jamais à dépouiller mon clergé, ma noblesse. Je ne donnerai pas ma sanction à des décrets qui les dépouilleraient ; c’est alors que le peuple français pourrait m’accuser d’injustice et de faiblesse. Monsieur l’archevêque, vous vous soumettez aux décrets de la Providence ; je crois m’y soumettre en ne me livrant point à cet enthousiasme qui s’est emparé de tous les ordres, mais qui ne fait que glisser sur mon âme. Si la force m’obligeait à sanctionner, alors je céderais, mais alors il n’y aurait plus en France ni monarchie ni monarque. »
Louis XVI n'accorde sa sanction à ces décrets que contraint et forcé, le 5 octobre. Ainsi disparaissent les privilèges des ecclésiastiques, des nobles, des corporations, des villes et des provinces.
Toutefois, les droits féodaux sont déclarés rachetables le 15 mars 1790, et leurs détenteurs ne sont pas tenus d'en prouver l'origine, ce qui, en pratique, conduit à leur maintien. Toutefois, devant le refus de nombreuses communautés paysannes, l'Assemblée législative supprime le rachat, sauf présentation du titre primitif, pour les droits casuels le 18 juin1792, puis pour l'ensemble des droits le 25 août suivant. Enfin, le 17 juin 1793, la Convention vote leur abolition complète, sans indemnité, et le brûlement des titres féodaux.