LA HONTE DE LA RÉPUBLIQUE
Prise de position
Nuutania la honte de la République.
A intervalles réguliers le scandale de la prison de Nuutania revient à la une de l’actualité. Le premier des constats à faire est que ce lieu de détention viole tous les jours les droits élémentaires de la personne humaine. Une surpopulation de 400%, c’est sans doute la statistique le plus tragique du monde carcéral de France et d’outre mer. Mais derrière la statistique il y a des hommes et des femmes, 435 prisonniers en 2009 qui tentent de survivre à 4 parfois dans une cellule de 11 m2 sans intimité, parfois sans commodités, Nuutania est la honte de la République.
Il convient le plus rapidement possible de mettre un terme à cette situation. Rappelons que la justice est faite pour punir les criminels. Elle n’est pas faite pour venger la société. Elle a pour objectif, sauf pour les criminels condamnés à perpétuité, de les préparer à se réinsérer dans la société. Peut-on préparer en prison la réinsertion de 4 détenus vivant dans 11m2 dans les conditions vécues à Nuutania. Non !
La justice est donc coupable de faillite morale et politique par rapport à ses missions. Et l’Etat qui est comptable de cette compétence depuis que le Territoire la lui a restituée a gravement manqué à ses obligations.
Depuis peu, l’Etat a validé un projet de centre de détention pour les longues peines sur un grand terrain lui appartenant dans la commune de Papeari, projet d’un coût de 10 Milliards de Fcp. Ce vaste complexe pénitentiaire comporterait des ateliers de formation pour préparer les détenus à leur retour dans la société.
Une vaste campagne de protestation populaire s’en est suivie avec pour argument central : un nouveau centre pénitentiaire c’est très bien, mais pas chez nous. Nous touchons là à un élément central de la conscience civique et politique. Les détenus seraient-ils des déchets toxiques, mettant en danger la population ? Certains propos ont été jusqu’à comparer ces hommes et ces femmes aux déchets domestiques entreposés à Paihoro. Plus grave encore, certains responsables religieux se sont associés à ce mouvement qui va jusqu’à comparer les prisonniers à des déchets !
A ce compte, la commune de Faa’a qui a accueilli depuis de longues année le centre pénitentiaire de Nuutania serait-elle un dépotoir humain ? Ces « déchets humains » ne sont-ils pas pour une large part les produits de notre société ? Ne sont-ils pas des hommes et des femmes avec leurs fautes et leurs crimes, mais également avec leur dignité et leur humanité ? Que les hommes de foi s’interrogent sur le message de l’évangile et sur le respect de tous les enfants de Dieu.
La commune de Faa’a, pour sa part, a accueilli son centre pénitentiaire avec une responsabilité civique, permettant depuis de longues années de tisser des liens avec son administration et permettant à une quinzaine de détenus de courte peine de travailler pendant la journée dans les services municipaux dans le cadre de la Main d’œuvre Pénale. C’est le regard de responsabilité que tous les élus devraient avoir sur ceux de nos concitoyens qui ont enfreint la loi.
Jean-Paul BARRAL
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Un peu d'histoire...
LA NOUVELLE :
MAISON D'ARRÊT
(Extrait du livre « De l’atome à l’autonomie » de Philippe Mazellier)
La nouvelle Maison d'arrêt de Faaa, édifiée sur les plans de l'architecte Lacombe pour la S.E.T.I.L., au lieu dit «Nuutania», est entrée en fonction le 25 novembre 1970. Ce jour là, l'administration pénitentiaire a transféré ses pensionnaires dans leurs nouveaux locaux : 163 détenus, hommes, femmes et mineurs, et 23 gardiens. Pierre Angeli visitant les installations, le 26, s'attarde dans les cuisines. «En moyenne nous dépensons 70 f. par jour et par individu — précise le gestionnaire. 70 f. 1970 —, ce n'est pas lourd ! Le gouverneur s'étonne, que mange-t-on pour ce prix ?
«Pour le petit déjeuner du café au lait avec du pain, un matin c'est du lait en boite et l'autre du lait de coco. A midi, un déjeuner ordinaire et le soir, nous ne pouvons faire à dîner que deux fois par semaine. Les autres jours, il n'y a à manger que du «faraoa pata» avec du thé».
Nouvelle surprise du gouverneur qui a l'air de trouver le régime de la prison par trop semblable au régime jockey. On lui répond que c'est la coutume tahitienne de ne manger que du pain beurré avec du thé le soir.
Ceux qui le disent n'ont pas l'air très convaincus, et l'un des prisonniers interrogé dit qu'il trouve les portions trop faibles.
LA MUTINERIE DU 28 AVRIL 1975
(Extrait du livre « De l’atome à l’autonomie » de Philippe Mazellier)
« Compte tenu des conditions climatiques locales, la Maison d’arrêt de Faaa est une réussite sur le plan technique» — a répondu avec une belle assurance le chef du Territoire à une question préalable de l'Assemblée territoriale sur la «perméabilité» de la prison. Il a même ajouté que «l'enquête administrative n'a pas permis de déceler une faute quelconque de l'architecte ou des entrepreneurs», admettant toutefois «un certain nombre d'imperfections mineures auxquelles il est facile d'apporter remède».
Le vendredi 28 avril, une mutinerie fomentée par les inculpés du vol de munitions, va donner une réponse bien différente...
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LE C.E.S. DEMANDE LA DÉMOLITION DE NUUTANIA
La Dépêche du 7 juillet 1988
La Commission des affaires sociales et culturelles du Comité Économique et Social de Polynésie française vient de publier un rapport particulièrement critique sur l'univers carcéral et la réinsertion sociale à Tahiti.
Selon le rapporteur Paul Moortgat, la Commission a été stupéfaite par les conditions d'existence à la maison d'arrêt du Territoire. L'exiguïté des cellules et l'accroissement du nombre des détenus amplifient encore ce défaut. L'écoulement des eaux usées est insuffisant. L'ameublement est insignifiant ou périmé. Les détenus mangent à même le sol, manquent d'aires de promenade, de salles d'activités et de parloirs.
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