SOUVENIRS D'UN FARÂNI
(code recherche : SOUPOL)
Gérard Joyon : Bonjour Pierre, ton article "Aventure en Kanaky" m'a rappelé mon séjour en Polynésie. Voici ce que j'en pense et tu pourras le publier si cela t'intéresse.
Pierre : Bonjour Gérard, tes textes me plaisent beaucoup, on sent qu'ils viennent du cœur. Bien sur qu'il m'intéresse, c'est le message que je veux faire passer.
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Aux laissés pour compte.
Ils m'ont appris que les gens qui n'ont rien partagent en abondance.
L''amour fraternel.
Que le peu que l'on possède doit servir à tous.
Mon ami GABY.....
J'ai appris la valeur de la nourriture,
l'impuissance de l'homme pauvre, confronté à la maladie.
La pudeur, devant la souffrance et le dénuement !
Mais, comme pour les cours que l'on reçoit à l'école,
beaucoup de leçons de la vie avec le temps s'oublient.
Je n'en ai pas honte, c'est ainsi.
Pourtant, encore aujourd'hui, ces instants me collent.
Ces instants qu'à coups de rires et d'histoires, m'ont de souvenirs imprégnés.
Il me reste des images, des lumières de ces soirées simples.
De cette table éclairée par la "Coleman".
La nuit pressée des tropiques s'était invitée
dans ce fare sombre, mais ô combien illuminé de regards joyeux.
Regards de ces gens qui vivaient au jour le jour.
De ces amis, « cette famille », qui avec quatre cordes de nylon et un bidon,
faisaient l'orchestre d'un soir, et chantaient l'amour, la mer.
Mariterangi "Taku Fare Takau" (pour ceux qui ne sont pas inscrit à Deezer.com, voici une autre chanson par Mariterangi sur You Tube, en fin d'article)
De ces amis qui racontaient en buvant.......... trop, des histoires, leur histoire.
Et moi, je buvais leurs sourires, avalait leurs éclats de rire.
Je riais aussi, mais sans tout comprendre de cette « reo ma' ohi » parlée beaucoup trop vite pour moi petit farani.
Je me laissais emporter par un enivrant courant, vers des rives inattendues, incertaines.
Rives où l'on oublie l'éloignement.
Me noyais dans cette nuit étrange, humide, lointaine
Oublier qu'on est loin !
Éteindre ce feu qui en moi, sans arrêt couvait,
et s'appelait, solitude.
Comme la nature, ces gens savaient vous offrir leur cœur.
Sans jamais poser de questions.
C'était leur habitude.
Dans ma tête ce soir, je les revois.
Cette pirogue aussi.
Elle glisse la nuit sur le lagon.
Petite barque creusée dans un tronc,
Balancier à gauche ficelé, et derrière un fil qui traîne au bout, l'espoir d'un poisson.
Ci-dessous Mami et le fils de GABY .1971
GABY est mort au retour de Moruroa.
M'apparaît une silhouette épaisse et j'entends une langue Paumotu, langue de Mangareva.
C'est grand-mère, armée de son harpon, et de trois ou quatre mots de reo farani.
Pareu et tee shirt trempés.
Grand mère, « qui cueille», en apnée ses petits coquillages,.
Grand mère, les cigarettes qu'elle me roule,
Petites, trop serrées. Papier salé, papier collé par des lèvres trop mouillées de salive et de mer,
Grand-mère, Mangarévienne exilée.
Je la vois encore à mes côtés. Sur son front pour plonger, un masque à deux sous.
Sans tuba mais suffisant, pour elle Paumotu . Elle est là, dans la passe sous ce ciel nocturne...
Elle ramasse les porcelaines et chasse les rougets.
C'est étrange, .........mais....
Je ne lui donne toujours pas d'âge.
Puis,.... ce soir, aujourd'hui...Non, il y a, là bas, il y a longtemps... je m'en foutais !
Je savais simplement, que cette nuit là,
quand je l'aidais à marcher, lui tenant la main sur le corail, sur ce récif,
c'était pour faire de cette cueillette des vases et des paniers tressés de porcelaines anneaux d'or Tahiti.
C'était pour faire quelques francs. Quelques pièces ou billets en vendant ce travail les matins au marché.
C'était pour grand-mère et la famille, cette nuit là, recevoir de la mer, le repas du lendemain.
Gérard JOYON
Lettres pour GABY
Mangareva, Aukena - 2011