HIMENE TAHITI
Près de ma case le bois s'annonce ; buissons touffus, arbres à pain, dominés par les cocotiers, et à leurs pieds des groupes se réunissent, des hommes, des femmes, des enfants ; les uns sont de Tahiti, les autres des Tonga, puis des Aroraï, des Marquisiens. Les tons mats de leurs corps se confondent presque avec le velours du feuillage, et de leur poitrine cuivrée sortent de vibrantes mélodies s'adoucissant au contact rugueux des cocotiers.
La première chanteuse commence : comme un oiseau altier elle s'élève subitement aux cimes de la gamme. Son cri puissant s'abaisse et remonte, planant comme l'oiseau, tandis que les autres volent autour de l'étoile en satellites fidèles. Puis, tous les hommes par un cri barbare, un seul, terminent en accord dans la tonique.
Peu savante cette musique... je l'ai souvent entendue, toujours avec émotion, chaque fois étrangement surpris. Je crois me souvenir qu'alors mes sens vibratils s'abandonnaient à l'aigre tatouage de leurs arabesques sonores.
Eux aussi, colons égarés dans l'île, officiers de passage, ils ont été impressionnés par ces chants particuliers que nous nommions des hyménées. L'immense production Européenne nous a-t-elle lassés, rassasiés ?...
(Extrait de "SOUS DEUX LATITUDES suivi de NATURES MORTES", Paul Gauguin, édition L'Echoppe)
Fenua Poritenia
Ua Rahu Te Atua Itei Nei Ao
Farereiraa Lupiri
Himene Lupiri