Les derniers sauvages îles Marquises

Publié le par N.L. Taram

Max-Radiguet1.jpg  Les Marquises encore sauvages de 1842

   

Qui envisage d’aborder les îles Marquises aura à lire ce livre d’il y a un siècle. C’est en effet en 1861 dans la vénérable « Revue des Deux Mondes » que Max Radiguet, marin breton, dessinateur et lettré, publia ce récit de ses 5 années passées à bord du navire français « La Reine-Blanche ». Il était chargé de prendre possession et d’installer la présence française aux Marquises. Esprit ouvert, observateur, Radiguet emporte certes avec lui les préjugés de supériorité de sa civilisation, mais il sait les tempérer de ce qu’il constate. La société marquisienne est compliquée, harmonieuse, même si elle n’est pas le Paradis obstinément rêvé. Mais son équilibre est remis en cause par l’arrivée des Européens, avec leurs croyances, mœurs et autres habitudes. Posséder des biens, maitriser la nature, se battre pour garder une femme, obéir au tyran jusqu’à la fin de sa vie – comme tout ceci était « étrange » aux yeux marquisiens !

Max-Radiguet16.jpg Max Radiguet décrit ce paysage volcanique, et cette société telle qu’elle fut jusqu’à l’arrivée des Blancs. Il a le regard aigu, sait faire parler les indigènes et décrit avant de juger. Précieuses qualités ! Il le fait en un style fleuri qui rappelle un peu Chateaubriand, à la mode de son siècle. « Je vois encore, au seuil de ma porte, la lumière et l’ombre se jouant au caprice des larges feuilles d’un bananier balancé par la brise, puis au bord de l’eau sur la grève les noirs abris sous les masses veloutées du feuillage, et les crêtes rocheuses de la montagne mordant le ciel et les cocotiers immobiles au grand soleil. » 119 Vous apprendrez à la racine comment confectionner le popoï (p.42), construire une case (p.46), tisser les étoffes (p.58), tourner un feu de deux bâtons (p.61), faire le kava (p.66), creuser une pirogue (p.86), vous battre comme il se doit (p.110), faire la fête (p.156) et honorer quels dieux (p.175). Vous y trouverez même la meilleure façon d’accommoder l’homme en cuisine (p.138), bien qu’on ne le mange « que par vengeance » : « le cœur est mangé cru ; le reste du corps, bardé de feuilles de ti, couché, recouvert de terre, sur un lit de galets rougis au feu. »  

 

Max-Radiguet3.jpg Il décrit la beauté native des Taïpis. L’homme : « D’une haute stature, les épaules effacées, le thorax en avant, svelte, le torse légèrement cambré sur les hanches, (…) la tête fière et parfois arrogante, mais avec un port assuré, une démarche libre et hardie. (…) Il tient plutôt du gymnaste que de l’athlète. » 140

 

 

 

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 La femme : « La taille des femmes est moyenne, leur galbe modelé souvent avec une pureté que la statuaire nous a révélée presque seule en France, le torse élégamment cambré, les chairs potelées et solides, le grain et la peau d’une finesse extrême. Leur sein se dresse légèrement piriforme, et son développement n’excède jamais les limites assignées par les lois du beau. » 141

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L’enfant : « Baigné tous les jours à la mer, l’enfant nage dès qu’il sait marcher. (…) Les enfants indigènes font à peu près ce qui leur plaît ; rien ne les contrarient, ils sont aimés de tout le monde, ils vaguent en liberté, se livrent à leurs jeux sans contraintes, se taquinent et se querellent fort rarement entre eux. Jamais ils ne nous ont rendus témoins de ces scènes de pugilat si fréquentes entre enfants civilisés. Je ne me rappelle pas avoir vu pleurer un enfant (…) ils sont fort doux et paraissent les plus heureux du monde. » 145 Mais « hélas ! par suite des débauches auxquelles s’abandonnent les femmes à peine âgées de 12 ans, la fécondité devient une vertu fort rare dans le pays : aussi l’enfant du hasard est-il adopté avec bonheur par le mari. » 143

 

 Les Européens, qui se sont toujours senti la « mission » d’apprendre au monde comment il fallait vivre, ont rompu ce délicat équilibre. Ils ont introduit la propriété, le commerce, les armes à feu, la jalousie maritale, la coercition éducative, le moralisme sexuel, les vêtements inadaptés au climat. Certes, les « sauvages » n’étaient pas « bons », mais ils avaient la libre disposition d’eux-mêmes. Aujourd’hui, « la civilisation » a la responsabilité d’assurer leur épanouissement.

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 Max Radiguet, Les derniers sauvages, aux îles Marquises 1842-1859, Phébus 2001. 
Sur
l’auteur la wiki-Brest 
Et le site de la
ville de Landerneau

 

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RADIGUET (Maximilien-René) (1816-1899). Écrivain de la Marine. Max Radiguet fut durant quatre années le secrétaire de l'amiral Dupetit-Thouars et l'accompagna à bord de la Reine-Blanche au cours de son expédition aux îles Marquises. Il assista aux négociations puis aux opérations militaires qui conduisirent à la prise de possession de l'archipel en 1842. Les notes qu'il avait prises au cours de son séjour lui permirent de publier en 1869 "La Reine-Blanche aux îles Marquises, souvenirs et paysages de l'Océanie" dans la Revue des deux mondes. Ce récit pittoresque et romantique fut très apprécié du public et édité l'année suivante sous le titre "Les Derniers Sauvages".

 

Max Radiguet était aussi un artiste remarquable. Il a laissé 66 dessins, crayons ou aquarelles, qui constituent autant de documents historiques de valeur sur les Marquises et Tahiti au milieu du siècle. Certains ont été reproduits dans l'édition des "Derniers Sauvages"de 1929, d'autres, classés dans un album au Service historique de la Marine, illustrent les volumes de L'Encyclopédie de la Polynésie".   

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